Genève
Mandat privé
B+S ingénieurs conseils SA
Construction Perret SA
2018
Patrimonial, Habitation
Rénovation extérieure d’une tour d’habitation
27, chemin de la Vendée – Lancy (GE)
Interviewé en 1973 par deux journalistes de la télévision suisse romande, l’architecte Jean-Marc Lamunière affirme : « les mouvements modernes d’architecture démarrant autour des années quarante-cinq, et continuant dans les années cinquante, ont magnifiés indiscutablement la construction en hauteur ». La déclaration est péremptoire, mais l’homme sait de quoi il parle. Et il en a donné doublement la preuve une décennie plus tôt, en bordure du plateau de Lancy.
Terminées en 1965, les deux tours de la Vendée ont été conçues pour une opération de grande envergure qui en prévoyait cinq. Implantés sur un terrain dominant la plaine de la Praille et ouvertes sur un paysage à couper le souffle, ces bâtiments affirment une modernité sans compromis, avec un rigorisme dénué de monotonie et une force expressive dépourvue de lourdeur. Fruit d’une réflexion poussée sur la préfabrication, le système constructif repose sur des dalles modulées qui prennent appui sur un noyau central, avec une structure extérieure apparente composée d’éléments assemblés. Avec treize étages de logements posés sur un rez-de-chaussée libre, les deux immeubles s’imposent désormais comme les témoins d’une époque où l’audace architecturale et le courage politique répondaient aux besoins d’une société en pleine mutation. Une réussite reconnue qui leur vaut depuis 2013 une inscription à l’inventaire des immeubles dignes d’être protégés.
Quinquagénaires élégantes, les deux tours méritent aujourd’hui un profond toilettage. Analysé ici, le programme réservé à celle érigée à l’Est du terrain comprend –entre autres– la décarbonatation des bétons, l’assainissement des baies, la sécurisation des garde-corps, l’étanchéité des loggias, la limitation des ponts de froid ainsi que la réfection des faux-plafonds ou des pare-vues.
Les solutions techniques et constructives apportées à l’immeuble visent d’abord la restauration des éléments. Un parti osé qui relègue la notion de rendement derrière celle, plus éclairée, du respect de la substance historique. L’exemple le plus parlant apparaît ainsi dans le maintien intégral des menuiseries en bois des étages courants qui, après s’être vues traitées et repeintes, ont pu accueillir 1’352 nouveaux vitrages aux excellentes performances thermiques. Toujours privilégié, ce réflexe de conservation, de réparation soignée ou de simple nettoyage s’est pourtant heurté à l’implacable réalité des normes ou à celle, plus insidieuse, du temps qui passe. Certaines pièces ont ainsi été remplacées pour des questions de durabilité ou de mise en conformité. C’est notamment le cas des stores en toile malheureusement détériorés et irréparables, des menuiseries du socle maintenant en bois-métal ou des garde-corps aux verres désormais feuilletés.
Qu’il s’agisse de restauration pure ou de remise à neuf, on notera le soin particulier porté aux teintes, à la finition et à la texture des éléments de façade. Du rouge feu des toiles de stores en passant par la lasure des bétons, la finition des verres bleutés des garde-corps ou la couleur des menuiseries, toutes les options attestent de l’hommage rendu à la tour de Jean-Marc Lamunière. Et si les interventions sont conséquentes, leur concrétisation sait rester discrète, voire invisible. Un résultat assumé dû à une position d’humilité qui ambitionne de revaloriser un patrimoine contemporain souvent incompris, tout en l’adaptant aux attentes et aux directives actuelles.
Conduit avec les locataires restés in situ, ce chantier doit sa réussite à une connaissance fine du bâtiment et de son histoire, ainsi qu’à une planification très maîtrisée. Plus généralement, il la doit aussi à une entente exemplaire établie entre protagonistes.
B.R
Juin 2019
© omarini micello architectes sa